Élaboration

            Les enfants autistes mettent beaucoup d’énergie à réaliser des manipulations particulières (d’un objet ou d’une partie de leur corps), ou à participer à des activités souvent ritualisées, ou encore ont des intérêts particuliers portant sur un sujet précis. Comme nous l’avons vu ci-dessus, ces manipulations, ces activités, ces préoccupations et intérêts spécifiques soutiennent souvent l’enfant dans l’élaboration d’un cadre rassurant. Ces comportements participent à la construction de repères spatio-temporels, d’un équilibre corporel, relationnel, cognitif. Ils participent donc à la construction identitaire de l’enfant. À ce titre, ils sont à respecter, à accueillir et à soutenir durant la prise en charge.
            Toutefois, si ces comportements sont fonctionnels en termes de visée régulatrice pour l’enfant, ils constituent une solution souvent très problématique : ils participent à l’isolement de l’enfant (qui réalise le plus souvent ces activités de façon solitaire) ; quand ils impliquent le corps de l’enfant, ils suscitent souvent une excitation corporelle massive que l’enfant ne parvient pas (ou peu) à canaliser ; ils empêchent l’enfant de s’intéresser à autre chose, et dès lors d’évoluer.
            À l’Antenne, l’accueil et le soutien de ces constructions de l’enfant est donc un préliminaire à un travail de développement, de complexification, et de diversification, qui a la visée de rendre les intérêts de l’enfant plus conciliables avec le lien social et les apprentissages.
 
L’activité privilégiée de Romain était de frotter ses index (ou des objets longiformes qu’il trouvait) l’un contre l’autre devant un miroir. Cette activité était accompagnée de hurlements et lui procurait une excitation massive. De plus, elle était incessante et ne pouvait être interrompue sans pleurs de sa part.
Plutôt que d’appliquer des méthodes pour supprimer cette activité, nous avons cherché, dans un partenariat avec Romain, des façons de faire plus compatibles avec le lien social et les apprentissages. Par exemple, nous avons soutenu cette activité privilégiée, tout en lui donnant un cadre, en lui proposant des ateliers « Percussions » durant lesquels il avait l’opportunité d’utiliser des baguettes sur des tambours, tout en se regardant dans des miroirs. En parallèle avec cette activité « Percussions », une activité hebdomadaire de « Batterie » lui a été proposée. Au fil des semaines, les hurlements associés au mouvement de friction ont diminué, pour laisser place à l’écoute attentive des morceaux de musique écoutés et à l’observation de la façon dont le professeur de batterie, assis en face de Romain avec une autre batterie, reproduisait le rythme du morceau écouté. La friction devint une passion pour le rythme, la batterie, les batteurs, leurs styles musicaux. Cela permit à Romain de trouver une motivation pour participer à des ateliers où il acceptait de troquer ses objets longiformes et ses hurlements pour consulter, assis à table, des magazines de musique et se familiariser avec l’ordinateur pour visionner des solos de batteurs, dont il apprenait les moindres détails, pour ensuite les restituer durant son cours de batterie.
L’activité solitaire et jubilatoire devant le miroir a petit à petit laissé place à une activité dans laquelle autrui avait une place (notamment le professeur de batterie, les autres enfants intéressés par la batterie) et qui était compatible avec un cursus préscolaire.