Régulation cognitive

            La régulation cognitive est le troisième pivot qui participe à un apaisement chez l’enfant. Cette régulation est l’effet de la construction de repères singuliers, au niveau de l’environnement de l’enfant et au niveau d’activités et d’intérêts privilégiés par l’enfant. À leur arrivée à l’Antenne certains enfants semblent perdus dans l’espace et le temps propres à l’institution, prenant peur par exemple dès qu’une porte s’ouvre. D’autres enfants au contraire arrivent à l’Antenne avec des intérêts privilégiés qui semblent ne laisser de place à rien d’autre, ce qui suscite des difficultés (angoisse paroxystique, agressivité, autoagressivité) lorsqu’il ne leur est pas possible de s’y adonner.
 
           Une double stratégie est élaborée, au cas par cas, concernant ce pivot :

Soutenir ce qui favorise la régulation cognitive

           Nous veillons à accueillir et soutenir le style de l’enfant au niveau de son rapport à l’environnement et au savoir (l’exigence de continuité/prévisibilité, ses intérêts privilégiés).
 
Rémy a développé un intérêt particulier pour la recherche sur internet d’images et de vidéos de plusieurs chanteurs. Réclamée à de nombreux moments de la journée, cette activité consiste à chercher des images spécifiques et imiter des postures et attitudes des chanteurs sélectionnés. L’hypothèse clinique, élaborée en réunion d’équipe, qui sous-tend le travail avec Rémy, est que cette activité est la façon privilégiée de Rémy de se familiariser et d’appliquer les codes relationnels et culturels de sa famille. En effet, si l’on se montre intéressé, après avoir regardé des vidéos, il peut venir à notre rencontre et nous faire jouer les scènes qu’il a regardées auparavant. Cette affinité pour ces chanteurs est soutenue à l’Antenne durant les moments interstitiels (par exemple certaines récréations) et durant certains ateliers dans lesquels Rémy a le loisir de faire ses recherches, accompagné par un intervenant. Cela permit à Rémy de se poser (du fait de l’attention et la concentration nécessaire pour réaliser cette activité), de se familiariser avec un cadre préscolaire (ce travail se réalise en position assise), et avec l’écriture (Rémy a appris à associer les chanteurs à la graphie représentant leur nom).
 
Emilio semble avoir construit un système de relations entre des couleurs, des personnages de dessins animés et des chiffres. Il représente par écrit ces relations. Autant ces associations semblent tout à fait personnelles, autant elles peuvent faire l’objet d’une conversation entre Emilio et un pair ou un intervenant. Autrement dit, accueillir ce savoir construit par Emilio lui permet de prendre une place particulière dans un atelier, d’y prendre la parole. Grâce à l’ouverture de la logopède à ce savoir privé construit par Emilio, ce dernier a pu se familiariser avec la lecture syllabique.
 

Contrecarrer ce qui fragilise la régulation cognitive

           Nous veillons également à faire barrage à ce qui fragilise l’enfant au niveau cognitif (par exemple une rupture dans la continuité/prévisibilité)
 
Durant de nombreux moments de ses journées, Amori réalise des activités dans lesquelles une trajectoire spécifique est réalisée au sein d’un espace particulier. Par exemple Amori se promène dans le jardin en suivant un chemin précis au sein duquel il fait des allers-retours. Il est également très intéressé par le fait de représenter graphiquement des chemins sur une feuille. Ou encore de se promener virtuellement avec le logiciel Street View. Toutefois, chaque moment de transition entre deux activités qu’il privilégie le met très fort en difficulté : il peut alors se mettre à hurler, frapper autrui ou se frapper lui-même, jeter tous les objets de la pièce. L’hypothèse clinique élaborée en réunion est que ces moments de transition entre deux activités sont des moments où il ne dispose plus des repères spatio-temporels construits dans le cadre de ses activités privilégiées ni de la garantie qu’il pourra retrouver ces repères ultérieurement. Nous avons donc mis en place un système de « relais » qui a permis à Amori de tisser un fil entre deux activités. Par exemple : avant de terminer une activité, nous lui indiquons avec une image ou verbalement le nom de l’activité suivante, son lieu et la personne avec qui elle se déroulera.