Préalables : remarques importantes

Prise en charge de l’enfant avec autisme ou accompagnement de l’enfant autiste ?

            Dans la littérature scientifique, l’expression « enfant avec autisme » est le plus souvent utilisée. Toutefois cette expression a l’inconvénient de sous-entendre qu’il est possible de distinguer ce qu’est l’enfant (son identité propre) de quelque chose qu’il a en plus (l’autisme). À ce titre, il n’est pas anodin que les personnes qui témoignent de leur autisme préfèrent souvent l’expression « personne autiste », considérant par là que l’autisme fait partie intégrante de leur identité.
Par ailleurs, la notion de « prise en charge » de l’enfant suggère également qu’il est possible de « vaincre » l’autisme, en proposant des rééducations visant la diminution ou la suppression de comportements jugés pathologiques ou déviants (par exemple parce qu’ils ne favorisent pas une intégration sociale), et la mise en place de comportements jugés désirables (par exemple parce qu’ils sont congruents avec les normes sociales de l’entourage de l’enfant). Dans ce contexte, l’orientation du travail avec l’enfant est exclusivement déterminée par des critères externes (par exemple une liste de comportements normaux, ou un tableau de développement normal).
            À l’Antenne, nous préférons mettre l’accent sur la notion d’« accompagnement de l’enfant autiste », car cela ouvre la possibilité d’envisager le travail avec l’enfant comme un partenariat. Il n’y a pas d’un côté les experts qui sauraient ce qui convient à l’enfant et de l’autre côté l’enfant qui devrait se plier aux techniques dont il serait l’objet. La notion d’accompagnement suppose que l’orientation du travail avec l’enfant est avant tout déterminée par des critères internes, élaborés par l’enfant lui-même ou en « dialogue » avec lui. Pour cela il n’existe pas une méthode qui vaudrait pour tous.

Technique, procédure, pratique ou approche ?

           La recherche scientifique qui vise à évaluer l’efficacité des pratiques d’intervention auprès des enfants autistes utilise fréquemment les termes « technique », « méthode », ou « procédure ». Ces formulations ne sont pas privilégiées à l’Antenne, car elles suggèrent que les pratiques d’intervention sont des instruments qu’il suffirait d’appliquer de la façon la plus standardisée possible. À l’Antenne, il n’y a pas de procédures standardisées, car chaque pratique d’intervention est élaborée dans un dialogue constant entre des intervenants particuliers, des enfants particuliers, et un contexte particulier. Nous utilisons donc plus volontiers l’expression « pratique clinique » car elle met en avant la dimension clinique et relationnelle qu’on ne peut pas concevoir indépendamment de la « technique ». Et nous réservons l’expression « approche clinique » pour désigner la théorie et l’éthique qui sous-tendent la pratique clinique réalisée à l’Antenne.

Rigidité ou souplesse des pratiques ?

           La recherche scientifique, par souci méthodologique, porte beaucoup d’attention à la « fidélité » à une « technique ». Autrement dit, une « technique » devrait être utilisée de la même façon par tous les intervenants qui en font usage. Au contraire, à l’Antenne nous promouvons une adaptation et un renouvellement permanent des pratiques, en fonction des compétences des intervenants et en fonction de la particularité de chaque enfant.

Efficacité des pratiques et respect de l’enfant

           La recherche scientifique cherche à évaluer l’efficacité de « techniques » spécifiques. Cela implique qu’une pratique soit imposée à tous les enfants qui font partie des protocoles de recherche, quels que soient leurs préférences, leurs difficultés, leurs refus. Au contraire, à l’Antenne, nos pratiques d’intervention sont prioritairement validées — non pas en fonction de leur efficacité statistique —, mais bien en fonction des préférences, des affinités, des difficultés et des refus de l’enfant. Cela implique d’élaborer constamment de nouvelles pratiques d’intervention en fonction du contexte clinique et de moduler les pratiques existantes. Cela implique également de maintenir une marge entre nos objectifs thérapeutiques, pédagogiques, rééducatifs et la façon singulière avec laquelle l’enfant répond à nos propositions d’intervention.

Existe-t-il une « bonne pratique » en matière d’autisme ?

            Comme le relèvent très justement les experts du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) qui ont récemment publié un rapport sur les « bonnes pratiques cliniques » en matière d’autisme[1], il n’existe actuellement pas de « bonne pratique » en matière de type de prise en charge psychosociale de l’enfant avec TSA. En effet, contrairement au traitement de certaines maladies relevant du champ de la médecine, il n’existe actuellement pas de « preuve » scientifique suffisante pour recommander à tous les enfants avec TSA une prise en charge qui aurait une efficacité garantie. Toujours selon les experts du KCE, les études réalisées jusqu’à présent pour démontrer l’efficacité d’un type de prise en charge souffrent d’une série de biais méthodologiques limitant fortement la pertinence de leurs résultats.
            De façon plus générale, si les essais de validation scientifique des prises en charge ont un intérêt au niveau de la recherche, nous considérons, en nous appuyant sur les réserves exprimées par les experts du KCE, qu’il est tout à fait prématuré d’imposer aux parents et aux professionnels des stratégies thérapeutiques, rééducatives et pédagogiques spécifiques, contrairement au souhait de certains professionnels[2]. Si nous considérons important que la pratique clinique soit « informée »[3] par les recherches scientifiques actuelles en la matière, il est également important que les stratégies élaborées auprès de chaque enfant fassent l’objet d’une évaluation régulière de la part des parents et des professionnels, afin de la réajuster ou éventuellement la modifier.
 

[1] Belgian Health Care Knowledge Centre (KCE). (2014). Management of autism in children and young people: A good clinical practice guideline.
[2] Par exemple Magerotte, G. (2009). Les ‘bonnes pratiques’ en autisme et troubles envahissants du développement. Perspectives actuelles. Le Bulletin Scientifique De L’arapi, 24, 48-51.
[3] Nevo I. & coll., The myth of evidence-based practice: towards evidence-informed practice, British Journal of Social Work, 41, 2011