Autisme et psychanalyse: résultats

Date de l'événement: 

28.02.2015

Image/Affiche de l'événement: 

Il y a des sujets, autistes, qui résistent à rentrer dans la grande machine de la rééducation et des apprentissages forcés. C’est un fait. Ils ont souvent déjà leur propre machine élective ou leur objet insolite pour traiter le vacarme de la langue en eux, pour traiter leur angoisse de la rencontre.

On dit qu’ils ne parlent pas, ce n’est pas toujours vrai mais en tout cas, ils s’isolent, ils se coupent du monde et mettent par ce moyen en échec la volonté de l’Autre qui leur parle, qui les intruse. Toutefois une rencontre réglée devient possible quand nous nous mettons au diapason de leur construction personnelle et singulière, quand nous disons oui à leur usage de l’objet, qui a déjà une fonction apaisante par rapport à l’angoisse. La psychanalyse lacanienne, qui oriente les cures, ainsi que de nombreuses pratiques en institution, nous donne les outils pour résister nous aussi à rentrer dans cette machine à formater le sujet et pour le soutenir dans l’élaboration de ses propres solutions. A l’horizon, nulle harmonie avec l’Autre mais bien la voie du sinthome pour tous, qui permet de loger ce que chaque Un a de plus intime.

Notre Grande Journée d’Étude du 28 février se veut une réponse à ces « études » pseudo-scientifiques qui sévissent, comme celle du Conseil Supérieur de la Santé il y a un an, et maintenant celle du KCE (Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé). La psychanalyse ainsi que les pratiques institutionnelles qui en découlent seraient inefficaces pour traiter les troubles du spectre autistique ! C’est le règne des experts référencés à la littérature dite scientifique et internationale, sourds aux témoignages des praticiens pourtant si nombreux, pour qui veut bien les lire et les entendre. Ils jettent le discrédit sur le travail inventif et vivant qui se pratique sans relâche depuis cinquante ans avec les sujets autistes et leur famille. Il y a bien en effet quelque chose qui ne tourne pas rond et ne rentre pas dans leur machine à ré-éduquer car le sinthome autistique, comme tout sinthome, ne veut pas guérir.

De notre côté, nous tirons la leçon du sinthome, nous lui emboîtons le pas, pour le construire, pour qu’il ouvre une voie vers le monde de l’autre, vers un lien social apaisé, sans renoncer à ce qui rend le sujet à nul autre pareil. L’enjeu de ce travail est de produire une perte dans l’impasse de la jouissance autistique – car cette impasse est vorace –, mais pas sans le consentement du sujet. En nous ajustant comme partenaires de sa construction, en nous intéressant à son objet électif, en passant par son double, nous tentons de localiser sur un bord une zone de l’entre-deux où un espace pour le pas-de-dialogue peut enfin s’ouvrir. Si nous travaillons avec ces objets si particuliers – un tambour qui tourne, une petite voiture, un filet de salive, un chat en peluche –, nous-mêmes qui sommes appareillés de nos tablettes ou smartphones, c’est que le fil du lien passe par là. Et nous tissons ce lien sans relâche ! 

Alors, à condition de prendre en compte ce que le sujet articule, « une petite conversation » devient possible et « il y a sûrement quelque chose à leur dire ».1 Alors les apprentissages deviennent possibles, orientés par l’îlot de compétences du sujet, soit son « obsession » mise au travail. Alors, le sujet autiste peut muscler son sinthome, qui lui servira toute sa vie à pouvoir prendre place dans le lien social. Le gain pour le sujet et sa famille n’est pas chiffrable mais n’en est pas moins réel. Gain inestimable ! La visée de cette journée est donc d’exposer nos résultats – Autisme et psychanalyse : résultats.

Daniel Pasqualin

 1 J. Lacan, « Conférence à Genève sur le symptôme », 1975, Bloc note de la psychanalyse, n° 5, p. 19.