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Qu’avons-nous à apprendre de ce qui fait peur à un enfant et d’un enfant qui a peur ? Quels liens entre cette rencontre singulière, qui introduit un nom nouveau qui a une efficacité sur le corps et le mental de l’enfant, et les peurs qui viennent se cristalliser sur l’enfant lui-même dans le corps social ?
Les institutions du Réseau International des Institutions Infantiles (RI3), les groupes de la Diagonale francophone du Nouveau Réseau CEREDA (Centre d’étude et de recherche sur l’enfant dans le discours analytique), les laboratoires du Centre Interdisciplinaire de l’Enfant (CIEN), mettent en commun leurs travaux sur ce thème, qui centre la clinique psychanalytique avec l’enfant et qui, jusqu’alors circonscrit à l’espace privé de la famille, diffuse aujourd’hui dans tous les lieux que notre espace social offre à l’enfance.
DES PARTENAIRES FÉROCES
Certains enfants se confrontent à des partenaires étranges qui les dévorent, les rejettent, les épient, et leur crient dessus. Pour y faire face, ils élaborent des stratégies complexes, mais quelquefois ils prennent leurs traits et deviennent eux-mêmes ceux qui mordent et poussent, qui surveillent et vocifèrent. Dans les institutions du Réseau International des Institutions Infantiles, les intervenants font le pari qu’il est possible de se faire utiliser par ces enfants pour qu’ils apprennent la peur, c’est-à-dire pour qu’ils apprennent à tracer des limites pour répartir les territoires de chacun, de façon à trouver un lieu où vivre.
PHOBIES D’AUJOURD’HUI
Les chevaux d’angoisse pour le petit Hans, l’image d’un loup dressé sur ses pattes pour le futur « Homme aux loups », tels furent les premières figures de l’objet phobique relevées par Freud chez des enfants. Lacan convoquera également le chien qui mord de la petite Sandy et les poules d’un patient d’Hélène Deutsch, et, pour finir, il regroupera ce bestiaire sous une appellation empruntée au pays qui faisait alors peur à l’Occident, l’appellation de « tigre de papier »* ! Nous pouvons donc à partir de là considérer les phobies d’aujourd’hui comme des écritures ou des traces sur un papier, qui font signe d’un « pas plus loin », d’un « pas au-delà » ! Si le sujet en est arrêté, c’est qu’il ne pourra en trouver la signification qu’à parcourir cette trace avec son corps parlant. Parcours auquel un psychanalyste peut inviter un enfant, et l’y accompagner.
PEUR À L’ÉCOLE ?
Soudain, il n’est plus possible de franchir le seuil de l’école, du collège, du lycée. Comme il s’agit d’un lieu où les enfants se scolarisent, ce phénomène étrange est nommé « phobie scolaire ». L’enfant pourtant n’a en rien peur de l’école, il a seulement vu s’ériger un mur à la place de la porte. Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui fait qu’il ne peut plus trouver place dans cet espace ? Comment est-il possible que son corps et cet espace propre à ceux de son âge se constituent comme des éléments si hétérogènes que la rencontre avec l’un risquera de faire imploser, ou exploser, l’autre ? Enfin la question se pose de savoir si ces élèves qui font exploser les classes par leurs insolences, leurs pitreries, leurs bavardages incessants, leur agressivité, ces élèves qui font peur, ne manifestent pas une autre modalité de « décrochage », affirmant avec d’autres moyens la radicale disjonction qu’ils subissent et agissent entre le lieu symbolique du savoir, l’imaginaire du corps assigné à résidence, et le réel d’une jouissance qui passe outre les limites de l’enfance.
*Jacques Lacan, Le Séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, Paris, Seuil, 2006, p. 323.